Label bas carbone agriculture : pour quoi, pour qui et quels revenus ?
Le Label Bas Carbone aura bientôt 4 ans. Chapeau ! 🎉
Naît en 2018 de l’union entre le Ministère de la Transition écologique et de l’Institut de l’économie pour le climat, il est l'outil de certification de projets de compensation carbone de l'Etat français.
Son objectif est simple : encourager le développement de projets bas-carbone qui permettront
1. La réduction des émissions de gaz à effet de serre nationales moitié d'ici 2030
2. La capture et le stockage durable du carbone atmosphérique, à l'origine du réchauffement climatique.
Ce label s'inscrit donc dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone, qui vise à l'atteinte de la neutralité carbone nationale en 2050. Ce cadre de certification carbone couvre par conséquent plusieurs secteurs, de l’agriculture au bâtiment, afin de valoriser un maximum d'acteurs de la lutte contre le changement climatique.
Définition du label bas carbone: comment ça marche ?
Le Label Bas Carbone est un outil de certification qui s’inscrit dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) qui vise à l’atteinte d'objectifs climatiques nationaux, parmi lesquels l'atteinte de la neutralité carbone en 2050. Il a été testé pour la première fois en 2015, pour un projet de reboisement en Lozère (projet en partenariat avec l’ADEME, I4CE, la Poste…)
Il permet aux projets labellisés de vendre les tonnes de carbone évitées sous forme de crédit carbone, ce qui permet une valorisation financière.
Pour rappel, un crédit carbone est un moyen pour les entreprises de compenser leurs émissions résiduelles :
Crédit Carbone : Unité qui voit le jour dans le cadre du protocole de Kyoto. Émission d’une tonne d’équivalent dioxyde de carbone, mise sur le marché du carbone. Synonyme : Unité de réduction certifiée des émissions, URCE, quota-carbone
Une tonne de gaz à effet de serre stockée dans un puits de carbone équivaut donc à un crédit carbone.
Par exemple, une entreprise émet 7 tonnes de carbone incompressibles ; en parallèle, une ferme a une capacité de stockage de 7 tonnes. De fait, l’agriculteur, alors porteur de projet, vend 7 crédits carbone à l’entreprise. L’entreprise a donc compensé ses 7 tonnes d’émissions incompressibles en capturant 7 tonnes de carbone, et a financé un projet d’agroécologie.
Attention, la compensation carbone n’a de sens seulement si elle précède une démarche d’évitement et de réduction des émissions, sans quoi elle n’est que greenwashing. Même compenser, chaque tonne de carbone émise a un impact.
Voici donc le mécanisme de la compensation carbone :
En tout état de cause, l’objectif de Label Bas Carbone est de répondre à la demande du marché de contribution carbone volontaire en France. Il encourage de cette manière les organismes à soutenir des projets nationaux et à impact, plutôt que des projets situés à l’autre bout du monde et sans aucun suivi.
Notons que, à l’inverse des standards internationaux de contribution carbone comme Verra ou Gold Standard, le Label Bas Carbone ne se focalise pas uniquement sur les projets forestiers mais s’étend, et continue à s’étendre vers beaucoup de secteurs ayant un rôle à jouer.
Quels types de projets éligibles ?
Il existe aujourd’hui quatre secteurs principaux éligibles au Label Bas Carbone. Parmi ces 4 secteurs, 11 méthodologies validées.
Voyons cela de plus près :
- Les forêts 🌳
Par la photosynthèse, les forêts capturent 12% des émissions nationales annuelles. La quantité de carbone absorbé dépend de la variété de l’arbre, de son implantation, de son âge… Une fois de plus, ce puits est menacé par la déforestation mais également les aléas climatiques comme les tempêtes et les incendies, comme nous avons pu le voir en Gironde.
Il existe 3 méthodes forestières validées :
- Le balivage, c’est-à-dire le repérage et la sélection des arbres qui doivent être conservés de la coupe, et qui vont stocker du carbone à long terme
- Le boisement, qui consiste à planter des arbres sur un terrain nu
- La préservation ou reconstitution des forêts dégradées qui ont subi des dégâts humains ou aléas climatiques naturels.
En cours d’étude : sylviculture, plantation d’artbre en ville, préservation des vieilles forêts et îlots de sénescence…
- L’agriculture 🌾
Le sol stocke du carbone sous forme de matière organique : les végétaux avec l’aide du soleil et de l’eau produisent la photosynthèse. Elles prennent le carbone dans l’air et le transforment en hydrate de carbone (càd en sucre). Ces sucres sont ensuite déplacés vers les racines. Cependant, la capacité de stockage des sols chute depuis l’expansion de l'urbanisation et l’agriculture intensive.
Il existe 6 méthodologies agricoles validées :
- Méthode “Carbon Agri” : développée par l’Institut de l’élevage (IDELE), est la première méthode validée par le Label Bas Carbone. Elle cible à la fois les exploitations d’élevages bovins et de grande culture.
- Méthode “Haies” : cible la plantation et la gestion de haie durable.
- Méthode “Plantation de vergers”: vise à planter des arbres fruitiers sur des parcelles non-cultivées.
- Méthode “SOBAC’ECO TMM” : cible la gestion et la réduction des intrants.
- Méthode “Ecométhane” : cible la réductions des émissions de méthane d’origine digestive par l’alimentation des bovins laitiers.
- Méthode “Grande culture” : cible les réductions d’émissions en exploitations grandes cultures.
En cours d’étude : élevage de porc, viticulture, plantes à parfum, légumineuses…
Chacun de ses méthodes consiste à réduire l’empreinte carbone des fermes et augmenter leurcapacité de stockage dans les sols : en plus de cela, les actions mises en œuvre engendre de multiples co-bénéfices notamment sur la richesse des sols, la qualité des produits, le bien-être animal… l’agriculture régénératrice est une clef essentielle pour lutter contre le dérèglement climatique.
- Le bâtiment 🏢
Le secteur du bâtiment génère 23% des émissions GES annuelles françaises, principalement à cause de la production, du transport et de l’utilisation des matériaux.
- Projet de rénovation avec des bâtiments avec des matériaux issus du réemploi.
En cours d’étude : stockage durable de carbone dans les bâtiments, construction éco-responsable…
- Le transport ✈️
En générant 31% des émissions de GES en France en 2019, le secteur du transport est le plus émetteur de carbone.
- Méthode Tiers-lieux, qui vise au développement du télétravail afin de réduire les transports routiers individuels.
En cours d’étude : plans de mobilité durable, remplacement de véhicules thermiques par des triporteurs ou vélo-cargo, co-voiturage, verdissement des poids lourds…
Le Label Bas Carbone est un label en constante évolution, qui veut son champ d’action large et diversifié. Il existe plus d’une vingtaine de méthode en cours d’étude, concernant les secteurs déjà existants mais également de nouveaux secteurs comme les espaces marins, les déchets électroniques (portés par BackMarket)... Pour les acteurs de la lutte en faveur de l'atténuation du changement climatique, la validation des méthodes proposées représente un enjeu financier important voire indispensable.
Comment obtenir le Label bas carbone ?
Le Label Bas Carbone est délivré par le Ministère de la transition écologique, qui détermine les exigences. Pour l’obtenir, il y a 4 étapes à suivre :
- La notification du projet
Cette première étape passe par une plateforme “Démarches Simplifiées” : il y a d’abord un formulaire de demandeur de Label Bas-Carbone puis un second concernant la méthode à laquelle votre projet se réfère.
- La demande de labellisation du projet
Toujours via la plateforme “Démarches Simplifiées”, il y a des documents descriptifs du projet à fournir en plus du formulaire de méthode.
- L’instruction du projet
Délai de deux mois durant lequel votre demande est soumise aux autorités.
- L’attribution du Label Bas Carbone au projet
A l’issue de l’instruction, vous obtenez ou non le Label Bas Carbone.
En août 2021, 120 projets Label Bas Carbone ont été comptabilisés.
Quels sont les 4 co-bénéfices du Label bas carbone ?
Bien que l’objectif principal du Label Bas Carbone soit, comme son nom l’indique, la réduction des gaz à effet de serre à l’échelle nationale, ce n’est pas le seul critère de certification des projets. En effet, pour être validé, un projet doit répondre à quatre autres exigences : des co-bénéfices qui sont la preuve que les actions mises en place ne se font pas au détriment mais bien en faveur de l’écosystème local. Les voici :
- Impact socio-économique 🤝 : par la création d’emploi, la naissance ou la préservation d’une activité commerciale… l’enjeu de dynamisation du territoire est au cœur du Label Bas Carbone.
- La préservation des sols 🌾 : La richesse organique des sols, c’est-à-dire sa teneur en humus, permet à la fois de stocker plus de carbone dans les sols mais également de les rendre plus fertiles et résilient aux aléas climatiques. Cela peut passer par l’agroforesterie, la réduction du travail du sol/des intrants, la lutte contre l’érosion…
- La protection de l’eau 💧 : par le changement de traitement ou de système d’irrigation, l’objectif est d’améliorer à long terme la qualité des sources d’eau.
- La sauvegarde de la biodiversité 🍀 : Au delà de la contribution carbone, il est essentiel au travers de l’engagement bas carbone de protéger notre biodiversité. Cela passe par différents types de projets locaux comme l’agroécologie, favorisation des pollinisateurs, permaculture…
Ces 4 co-bénéfices sont pris en compte dans l’étude d’un projet demandeur du label sous forme de point allant de 1 à 5 ; 5 étant la note attribuée aux co-bénéfices les plus impactants.
Pour bien illustrer le fonctionnement du Label Bas Carbone, prenons l’exemple du secteur agricole :
Quel est la place de l’agriculture dans le changement climatique ?
Comment l'agriculture produit du CO2 ?
En 2019, l’agriculture est responsable de 19% des émissions de GES en France. Mais comment est-ce possible ?
D’une part, on observe un épuisement des sols dû au labour et au traitement excessif. De fait, l’eau est moins bien filtrée, les maladies se développent dans les cultures et le sol ne respire pas, donc ne stocke plus assez de carbone.
D’autre part, l’agriculture émet du carbone. Ses émissions proviennent principalement des flatulences des bovins, des déjections animales et des rizières. Et oui, parmi les émissions agricoles mondiales, 39% sont liées aux pets et rots des vaches, émetteurs de méthane et de protoxyde d’azote.
Comment améliorer le bilan carbone de l'agriculture ?
Après le diagnostic carbone de l’exploitation, l’amélioration du bilan passe par la mise en place d’une agriculture régénérératrice, c’est-à-dire respectueuse des sols et du vivant. Il est possible à la fois de diminuer l’empreinte carbone de l’agriculture mais également de séquestrer plus de carbone dans les sols. Parmi les leviers utilisés (selon le type d’exploitation) : réduction du traitement et du travail des sols, rotation des cultures, plantation de haies, gestion des troupeaux, mise en place de cultures intermédiaires, développement de l’agroforesterie…
Quels revenus pour les agriculteurs ?
Pour être labellisé bas carbone, un agriculteur transite vers l’agroécologie : cela permet donc entre autres de régénérer les sols, de stocker du carbone, de protéger la biodiversité… Ses pratiques génèrent donc des crédits carbone. Cependant, La mise en œuvre de cette agriculture appelée agriculture régénératrice peut s’avérer coûteuse puisque cela demande parfois de nouveaux matériaux plus adaptés ou plus de main d'œuvre.
En ce sens, le revenu lié à la vente des crédits carbone constitue d’abord un soutien financier pour l’agriculteur. A long terme, il peut être considéré comme un complément de revenu.
En France, un agriculteur gagne en moyenne 40€ par tonne de carbone vendues ; À l'international, une tonne de carbone vaut en moyenne 10€. De cette manière, en fonction du type d’exploitation et des leviers mis en place, un agriculteur peut espérer un gain de 0,5 à 1,5 crédits carbone par hectare et par an. Notons également que le prix varie en fonction de certains facteurs :
- la localisation : un projet en France, qui est traçable et certifié, coûte plus cher qu’un projet hasardeux à l’autre bout du monde 📍
- le type de certification ✅
- le type d’activité : il revient plus cher de mettre en place une agriculture régénérative que de planter des arbres 🌳
- Les co-bénéfices impliqués, le nombre d’acteurs sollicités et bien-sûr le volume de crédit carbone achetés 🧾
Pour conclure, nous pouvons nous demander : comment arriver à la neutralité carbone ?
L’objectif de neutralité carbone mondiale en 2050 se joue avant tout à l’échelle nationale. Il s’agit avant tout d’impliquer les acteurs publics et privés dans cet engagement afin qu’ils supportent la transition climatique. Les trois principaux enjeux sont : l’évitement, la réduction et la contribution. En d’autres termes, il s’agit d’abord d’agir sur les chaînes de valeurs émettrices de carbone, puis soutenir la création ou la préservation de puits de carbone.
C’est donc en toute logique que le Label Bas Carbone a défini ces 3 objectifs :
- Favoriser de nouveaux projets de réductions des émissions de gaz à effet de serre et de séquestrations carbone.
- Certifier l’impact et la qualité de ces projets
- Guider les financements vers des projets traçables et à impacts
SOURCE :
https://www.carbonapp.fr/post/comprendre-les-co-b%C3%A9n%C3%A9fices-du-label-bas-carbone
https://www.info-compensation-carbone.com/ecosysteme/le-label-bas-carbone/
https://www.sami.eco/post/label-bas-carbone-tout-savoir-sur-la-compensation-carbone-en-france
https://www.ecologie.gouv.fr/label-bas-carbone#scroll-nav__7
https://www.ecologie.gouv.fr/forets-francaises-et-changement-climatique
https://www.ecologie.gouv.fr/construction-et-performance-environnementale-du-batiment